Dis moi comment tu manges, je te dirai qui tu es.
Qu'est-ce qu'un régime alimentaire ?
Quels sont les différents types de régimes alimentaires ?
«Végé», «vegan», «bio», «paléo», «sans gluten», «sans sucre», «sans lactose»… Impossible actuellement de ne pas avoir un proche suivant un régime alimentaire particulier ni de voir éclore près de chez soi des restaurants proposant une carte au concept singulier.

La notion de régime alimentaire est souvent à rapprocher de celles du contrôle et de la privation: restriction, rigueur, sacrifice, punition, limitation font partie du jargon associé. Actuellement, pour être dans le vent, il faut être «sans» sans sucre, sans viande, sans gluten, sans lactose… Ne risque-t-on pas alors de manger sans plaisir voire de perdre la santé si ces régimes sont pratiqués sans suivi médical ou à l’extrême ?
Une grande majorité des personnes respectant de nos jours un régime particulier le font de leur plein gré, non pas suite à une intolérance avérée mais plutôt par principe et par conviction. C’est le cas pour les mouvances supprimant le gluten et le lactose, ou le régime végétalien par exemple.
Mais pourquoi ?
Les traditions familiales et sociales, socles de nos habitudes alimentaires
Comme l’explique le Docteur Marc Fortier-Beaulieu, un régime est d’abord culturel. En effet, un régime est souvent inconsciemment imposé par la sphère familial et ses traditions (origine sociale, spécificité régionale, contraintes géographiques, climatiques, etc.). En somme,le contenu de notre assiette se transmet de génération en génération, comme toute tradition familiale. Par ailleurs, le caractère culturel d’un régime est encore plus frappant lorsque celui-ci rame à contre courant des habitudes de la culture majoritaire, ne reflétant alors que les principes d’un groupe voire d’une « élite ». La part de l’inconscient dans un régime est en réalité essentielle.

Or paradoxalement, un régime, pour les malades ou les sportifs, est un effort de la volonté pour contrôler les apports alimentaires, alors que nous mangeons le plus souvent sans réfléchir, guidés par l’habitude et la coutume d’une part, et par les sensations instinctives de faim et de satiété d’autre part.
Ainsi, c’est dans ce conflit et cette ambivalence que résident les dangers éventuels de certains régimes pouvant, à force de restrictions et d’interdits, entraîner de graves troubles du comportement alimentaire.
Il existe différentes formes de régime.
Le mythe d’un régime « naturel »
Le « régime » de nos ancêtres paysans était « naturel » dans le sens où il se basait sur ce que la nature offrait spontanément là où nos ancêtres vivaient. De plus, ces aliments étaient effectivement simples et peu transformés. En réalité, ce « régime », ou « modèle » était tout autant pétri de pratiques culturelles et religieuses, donc pas spontané du tout ! Il pouvait d’ailleurs très bien être mauvais pour la santé…
Lorsque nous faisons référence à la « nature », nous nous représentons en réalité un cadre de vie plus ou moins imposé, que notre sens critique transforme en modèle. Ce modèle est en fait l’interprétation que notre groupe culturel fait de notre monde. On retrouve ici l’aspect collectif des jugements qui s’octroient la toute puissance pour évaluer le caractère « naturel » de notre façon de nous nourrir.
L’illusion d’un régime « contre culturel »
Certains consom’acteurs croient s’opposer à la dictature culinaire de la culture en bousculant de vieilles habitudes. Plus de céréales (le gluten), plus de lait, que des protéines et pas de sucres, de l’huile et pas de beurre, pas de viande mais du tofu, etc.
Comment émergent ces courants de pensée ? Dans quels milieux sociaux sont-ils particulièrement suivis ? Sur quelles informations s’appuient-ils ? Lorsque l’on creuse un peu, on s’aperçoit que les personnes adhérant à ces pratiques jouissent d’un niveau social plutôt élevé, d’une culture générale vaste et cherchent à la fois à améliorer leur santé, à mener une vie plus éthique, et à transformer le monde. En bref, elles nourrissent l’ambition de créer une nouvelle culture alimentaire.
Ne sont-elles pas plutôt les cibles de mouvements de nature profondément culturelle ? La plupart de ces tendances sont en effet issues de sources d’information de très large diffusion, souvent peu critiquées, voire complètement erronées. Il s’agit donc de la construction d’une théorie par un groupe, par une communauté. Encore une fois, on conclut à un phénomène culturel.
Part de l’inconscient dans notre alimentation
« La coutume lie, l’habitude délie » s’exprimait ainsi le philosophe Alain. Dans les deux cas, les mécanismes sont inconscients : la coutume est collective, donc culturelle, alors que l’habitude est individuelle.
La coutume présente un caractère contraignant : rejeter les coutumes conduit souvent à l’exclusion du groupe dans lequel la naissance nous a placés. L’habitude, quant à elle, libère l’individu en évitant de réfléchir avant chaque geste. Il y a de bonnes et de mauvaises habitudes, on appelle les premières vertus, les autres des vices.
Cas du modèle paléo et le mythe du ’’ c’était mieux avant’’ (par Marc Fortier Beaulieu et Marie Caroline Savelieff )
Pour Marc Fortier-Beaulieu, ce régime vise à retrouver les habitudes alimentaires de l’époque paléolithique, où l’agriculture n’était pas encore apparue et où les habitants étaient chasseurs-cueilleurs. On suppose que ces hommes préhistoriques mangeaient beaucoup de viande, du poisson, des racines, des noix et des baies.
Les adeptes de ce modèle affirment que quelques dizaines de milliers d’années plus tard, nos organismes ne se sont pas encore adaptés aux nouveaux aliments de la révolution néolithique ayant conduit à l’invention de l’agriculture. Sont alors principalement pointés du doigt les céréales et les laitages. Des études récentes sur l’adaptation du cerveau à un régime sans sucre prouvent néanmoins très largement le contraire : nos cellules s’habituent très vite à des changements drastiques.
L’idéologie qui sous-tend ce régime est de nature archaïque. Tout au long de l’histoire de la pensée, on a vu revenir des systèmes fondés sur le « c’était mieux avant », sur l’idée mythique d’une origine pure polluée par les comportements « modernes ». Il fallait revenir aux origines. Ce phénomène, omniprésent dans le domaine religieux actuellement, peut être interprété comme le signe de périodes troublées, au cours desquelles les gens sont en perte de repères. Or ce que nous savons du passé est souvent très fragmentaire, partiel et le fruit d’interprétations. Les scientifiques paléontologues sont beaucoup plus prudents dans leurs interprétations que les meneurs d’opinion.
Selon l’avis de Marie-Caroline Savelieff , diététicienne, le régime paléo présente certains avantages. Tout d’abord, il propose un bon apport en protéines, recherché lorsque l’on souhaite conserver ou développer sa masse musculaire, De plus, la consommation de fruits et légumes crus, préconisée par le modèle, apporte le plein de vitamines et minéraux, notamment de vitamine C (puissant anti-oxydant optimisant la récupération sportive et la fixation du fer qui aide, lui, au transport de l’oxygène). Par ailleurs, en privilégiant les viandes peu grasses et les graisses insaturées de bonne qualité, le cholestérol sanguin se voit réduit. Enfin, le modèle est rassasiant grâce aux protéines animales et aux fibres des fruits et légumes crus.
Néanmoins, il est aussi facile de tomber dans des travers conduisant à des pratiques à risques pour notre santé. Par exemple, un régime hyperprotéinés peu créer des problèmes rénaux. Un excès de certains oléagineux tels que l’amande, riche en oméga 6, aura un effet inflammatoire sur l’organisme. Éluder une ou plusieurs familles d’aliments (ici les produits laitiers et les produits céréaliers) implique des risques de carence notamment en vitamine D. Aussi, les risques d’inconfort digestif notamment pour les personnes sujettes à un transit accéléré ne sont pas à négliger (concrètement un adepte de ce modèle sera plus facilement soumis à des diarrhées suite au manque en fibres solubles présentes essentiellement dans les produits céréaliers complets et les légumineuses). En outre, il faut bien intégrer que ce modèle est incompatible avec de fortes charges d’entraînement si sa pratique est extrémiste (en effet, certains éliminent les légumes racines riches en amidon (pommes de terre, manioc)), et ce régime est nuisible aux personnes diabétiques car il leur est indispensable d’associer des féculents à index glycémique bas à chaque repas. Enfin, ce régime est onéreux car les protéines animales de qualité (d’origine biologique, moins de 5% de matière grasse,, sources d’omega 3 pour les œufs, etc.) ont un coût certain, et ici il s’agit de les consommer en grande quantité.

Conséquences et troubles du comportement alimentaire (MFB)
Ces troubles sont assez divers. Dans le cas des régimes, ils se limitent à quelques problèmes en apparence anodins, qui sont malheureusement souvent la porte ouverte à de graves problèmes parfois mortels.
Les plus courants sont les troubles du comportement de type restrictif. A partir de problèmes médicaux assez rares, nous finissons par considérer que certains aliments sont dangereux pour la communauté et nous les retirons net de notre alimentation. Ou alors, nous préconisons d’éliminer certains composants « pour manger mieux ». Les exemples classiques sont le gluten et le lait. Il existe des intolérances au gluten et au lactose, mais elles ne concernent qu’un nombre très restreint de personnes. Amener tout le monde à exclure ces aliments relève plus d’une idéologie que d’une démarche scientifique. Le problème est que toute personne qui suit un régime se sent mieux. C’est la récompense des efforts consentis. Ce mieux être n’est en fait que psychologique et ne dure qu’un temps.
A force de restreindre son alimentation, aliment par aliment, on en vient à une attitude de contrôle de tous les apports et cela est indéniablement néfaste pour notre psychisme qui perd la capacité innée de sentir la faim et la satiété. Certaines personnes peuvent arriver à des comportements extrêmes d’anorexie boulimie, voire à une anorexie mentale qui, si elle dépasse certains stades, s’avère mortelle.

Du risque de vouloir contrôler les sensations de l’appétit
Les perceptions de faim et de satiété correspondent à des comportements physiologiques, nécessaires à notre survie, et incontrôlables. Vouloir les dompter est dangereux.
Le bonheur ne s’acquiert pas en contrôlant ce qui nous entoure, mais en maîtrisant notre monde intérieur. Vouloir contrôler ces sensations conduisent souvent à des comportements compulsifs ou d’addictions. Nous devons être les observateurs bienveillants de nos propres désirs. La conscience de soi permet d’évaluer avec sérénité et calme nos émotions et nos pensées.
Donc ne mangeons pas n’importe quoi, mais méfions-nous des systèmes de pensée qui perturbent notre capacité spontanée à régler nos apports alimentaires !